"NAGASAKI" de Eric Faye
Voilà un petit livre(par la taille !) qui a suscité bien des commentaires au cercle des lecteurs ! J'ai voulu voir par moi-même, et je m'inscris dans le camp des "très favorables". Histoire curieuse née d'un fait divers relaté dans un journal japonais. Et la façon dont l'écrivain s'en empare et le traite, en plongée totale dans le monde et la culture japonaise, si loin de la nôtre,est tout à fait remarquable... Il nous montre un homme célibataire, solitaire, pour ne pas dire étriqué, qui vit seul, travaille sans pour autant avoir des liens particuliers avec ses collègues, et que le bruit des cigales insupporte au plus haut point! Sa vie est réglée par ses horaires fixes, le retour à la maison après ses courses, leur rangement etc... On le plaint: quelle vie tristounette! Sans passion, sans révolte,sans curiosité !!
Mais si bien rendue par un style dépouillé (sauf une description ou deux sur la beauté de la baie de Nagasaki la nuit) presque métallique et sec. Et puis voilà que l'impensable arrive: apparemment quelqu'un s'est introduit chez lui ! Il est choqué, et il se met à mesurer, compter, recompter...( l'auteur écrit : "L'intérieur de mon frigo était en quelque sorte la matrice sans cesse recommencée de mon avenir: là m'attendaient les molécules qui me donneraient de l'énergie dans les jours suivants...Mes microbes, mes toxines et mes protéines de demain patientaient dans cette antichambre froide ". (Ca fait froid dans le dos, on se croirait dans une morgue...)
Décidé à en avoir le coeur net, il met une caméra dans sa cuisine (pourquoi pas dans les autres pièces qu'il ne vérifie pas??) et la relie à une webcam à l'ordinateur de son travail...Horrifié, il découvre une femme inconnue qui a "l'air chez elle". Il pense à son intimité violée....et appelle la police, tout en éprouvant un curieux sentiment de remords d'être obligé à cette extrémité violente. Il y a procès. Il déménage, ne pouvant rester dans cette maison et disparaît après avoir mis sa maison en vente. On apprend alors qui est cette femme, qu'elle a été sa vie, ses échecs et sa condition de SDF, et pourquoi elle est entrée et a vécu un an dans cette maison, comme un fantôme... La fin qui aurait pu être "heureuse" est incertaine, et à mon avis sans espoir, comme la vie du héros !
Le style d'Eric faye ne m'a pas choquée, il est situé volontairement au-delà du bon ou du mauvais "français", et si une ou deux fois il m'a un peu interloquée, il ne m'a pas dérangée!
Je vais lire un autre livre de cet écrivain, totalement différent, je verrai bien s'il continue à me plaire...