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CERCLE LECTURE JEAN MACE
13 mai 2011

"NAGASAKI" de Eric Faye

nagasakiVoilà un petit livre(par la taille !) qui a suscité bien des commentaires au cercle des lecteurs ! J'ai voulu voir par moi-même, et je m'inscris dans le camp des "très favorables". Histoire curieuse née d'un fait divers relaté dans un journal japonais. Et la façon dont l'écrivain s'en empare et le traite, en plongée totale dans le monde et la culture japonaise, si loin de la nôtre,est tout à fait remarquable... Il nous montre un homme célibataire, solitaire, pour ne pas dire étriqué, qui vit seul, travaille sans pour autant avoir des liens particuliers avec ses collègues, et que le bruit des cigales insupporte au plus haut point! Sa vie est réglée par ses horaires fixes, le retour à la maison après ses courses, leur rangement etc... On le plaint: quelle vie tristounette! Sans passion, sans révolte,sans curiosité !!

Mais si bien rendue par un style dépouillé (sauf une description ou deux sur la beauté de la baie de Nagasaki la nuit) presque métallique et sec. Et puis voilà que l'impensable arrive: apparemment quelqu'un s'est introduit chez lui ! Il est choqué, et il se met à mesurer, compter, recompter...( l'auteur écrit : "L'intérieur de mon frigo était en quelque sorte la matrice sans cesse recommencée de mon avenir: là m'attendaient les molécules qui me donneraient de l'énergie dans les jours suivants...Mes microbes, mes toxines et mes protéines de demain patientaient dans cette antichambre froide ". (Ca fait froid dans le dos, on se croirait dans une morgue...)

Décidé à en avoir le coeur net, il met une caméra dans sa cuisine (pourquoi pas dans les autres pièces qu'il ne vérifie pas??) et la relie à une webcam à l'ordinateur de son travail...Horrifié, il découvre une femme inconnue qui a "l'air chez elle". Il pense à son intimité violée....et appelle la police, tout en éprouvant un curieux sentiment de remords d'être obligé à cette extrémité violente. Il y a procès. Il déménage, ne pouvant rester dans cette maison et disparaît après avoir mis sa maison en vente. On apprend alors qui est cette femme, qu'elle a été sa vie, ses échecs et sa condition de SDF, et pourquoi elle est entrée et a vécu un an dans cette maison, comme un fantôme... La fin qui aurait pu être "heureuse" est incertaine, et à mon avis sans espoir, comme la vie du héros !

Le style d'Eric faye ne m'a pas choquée, il est situé volontairement au-delà du bon ou du mauvais "français", et si une ou deux fois il m'a un peu interloquée, il ne m'a pas dérangée!

Je vais lire un autre livre de cet écrivain, totalement différent, je verrai bien s'il continue à me plaire...

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Commentaires
P
Les commentaires du Cercle de lecture JM m'invitent à emprunter ce roman récent (2010). J'avale d’un trait la petite centaine de pages japonisantes. <br /> Comme le suggère le titre, c’est l’histoire d’un « quinquagénaire /…/ domicilié à la lisière de Nagasaki » (p. 11). Solitaire, quasi maniaque de l’ordre, il découvre que quelqu’un s’est installé clandestinement chez lui. L’intruse, devenue SDF, parce que « dans le bac à sable où les enfants jouent au capitalisme, on vient d’égarer la règle du jeu » (p. 72), sera découverte grâce à la webcam qu’il installe et finalement condamnée avec clémence.<br /> Ce scénario original sert de trame pour dire le mal être d’un homme qui voit l’inanité de sa vie se dérouler sans accroc jusqu’à cet événement : «mon existence entière dont se dévoilaient tout d’un coup le dénuement et l’aridité » (p. 69). <br /> Le paradoxe réside dans son appréhension à devenir un de ces centenaires qui n’aura bientôt pour auxiliaire de vie qu’« un robot qui veillerait sur mon automne sans fin, recueillerait mon dernier souffle, /…/ mettrait en route la procédure des obsèques en composant un numéro d’urgence » (p 60), alors même qu’il ne supporte pas d’être dérangé, ne fait aucun effort pour avoir une vie sociale avec sa famille proche ou ses collègues.<br /> Le dernier tiers du roman donne la parole à la femme et on se prend, durant quelques pages, à imaginer qu’ils pourraient finir leurs jours ensemble si Faye ne nous avait pas fermement prévenu « le genre humain se racornit » (p. 71), « la crise rend les hommes un peu plus seuls » (p. 73).<br /> <br /> La langue est fine et poétique : « la télévision allumée à feu doux, j’ai écouté le bruit du monde /…/ trams en fin de service, circulation lointaine, cigales par intermittence, harmoniques du vent dans les bambous et puis des gouttes de pluie lourdes comme du temps» (p. 59 - 60) Et l’atmosphère générale de vacuité et de désespérance n’est pas sans rappeler celle des courts romans de la japonaise Aki Shimazaki, notamment Le Temps des secrets.<br /> <br /> Merci de m'avoir fait découvrir cet auteur !
A
Dites-moi Eliane, vous devriez vous proposer comme critique professionelle. Vous avez un vrai talent et vous n'êtes pas paressuse.
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