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CERCLE LECTURE JEAN MACE
18 août 2012

LA TRAGEDIE DE LURS Jean MECKERT

meckert

L’affaire Dominici prise à bras-le-corps. Et le sordide devient littérature.

 

Sa vie a tout d’un roman populaire. A 7 ans, il entre à l’orphelinat. A 13, il est ouvrier. A 31, il publie son premier livre, Les Coups, dans la collection Blanche de Gallimard, sous l’œil ravi d’André Gide.

D’autres suivront, dont Je suis un monstre et Nous avons les mains rouges. A 33 ans, il rejoint le maquis, et, à 40, la Série noire, dirigée par Marcel Duhamel, qui lui trouve un pseudonyme, John Amila (à noter le prénom « US boy », très à la mode dans les années 50).

Jean Meckert (1910-1995) a traversé ce siècle de tous les abus, debout, « à hauteur d’homme », comme disait Marc Bernard (1900-1983), autre écrivain du même tonneau. Meckert + Amila, c’est une trentaine de romans, aux titres rageurs, à la narration agile, vive, comme piquée au plus sensible.

Les éditions Joëlle Losfeld ont entrepris de rééditer en collection de poche toute l’œuvre de Meckert (1). Quatrième titre, cette Tragédie de Lurs, commandée par Gaston Gallimard lui-même (1954), et qui encore aujourd’hui résonne et interroge : la tragédie, c’est l’affaire Dominici, le meurtre d’une famille de vacanciers britanniques sur les bords de la Durance, la nuit du 4 au 5 août 1952. Un triple assassinat (les parents et leur gamine), « sauvage, forcément sauvage », sans mobile. Premier témoin, présumé non coupable puis coupable idéal, condamné à mort, puis gracié par le général de Gaulle : Gaston Dominici, un paysan dont la ferme se situe non loin du lieu du crime. La France est sens dessus dessous.

Pour le compte d’un journal, Meckert est dépêché à Lurs, bourgade tranquille, mais peut-être pas si sage. Il fait le journaliste, regarde, écoute, se garde bien de prendre parti, se pose surtout beaucoup de questions, sur le cafouil­lage de la police, de la justice et surtout de la presse.

La Tragédie de Lurs est un roman reportage, une enquête sur l’enquête qui dérailla.

On se souvient de l’affaire Grégory, du « sublime, forcément sublime » de Marguerite Duras lâché dans Libération. Roland Barthes, lui, dans Mythologies, s’en tint à un formidable : « Dominici ou le triomphe de la littérature ». C’est bien ce qu’en fait Jean Meckert, un vrai roman, avec suspense, rebondissements et humour noir, garanti 100 % polar. Délation, faux témoignage, vieilles rancunes, suspicion – celui-là n’est-il pas communiste ? et celui-ci était-il vraiment résistant ? Aux alentours de Lurs, la population règle ses comptes (genre : droit de passage sur un terrain), chacun scrute l’autre comme un ennemi.

Les journalistes harcèlent les habitants comme la po­lice et font vendre du papier parfois avec rien... un peu d’horreur, un peu de piètres informations. Alors que l’enquête piétine, Meckert écrit : « Il est bien évident que l’homme qui lit son journal et paie ses impôts n’est pas content. Il lui fallait un dénouement, et il n’y en a pas ! Il a l’impression d’avoir été pigeonné. »

C’est quoi un innocent, s’interroge Meckert, un type que l’on peut accuser sans preuve ou un type qui doit prouver son innocence ? Qui est le mieux armé face à l’accusation ? Le notable ou le paysan ? Les éternelles chi­mères crapoteuses resurgissent, délit de sale gueule en prime. Meckert ne conclut pas. Coupable ou non coupable, Gaston Dominici ?

A la justice de faire son boulot.

A la littérature de faire le sien.

 Martine Laval osfeld, coll. Martine Laval - Telerama n° 2985

Un véritable roman policier, mais les faits sont réels et cela donne une toute autre densité à la lecture. On ne ressort pas indemne de la réflexion sur le  traitement des cimes de sang par les journalistes.meckert-amila_INVITr_web-2-

Jean Meckert,, né le 24 novembre 1910 dans le dixième arrondissement de Paris et mort le 7 mars 1995, est un écrivain français. Il est plus connu sous le nom de Jean Amila, son pseudonyme pour ses romans policiers dans la collection Série noire

Le départ de son père du foyer familial pour vivre avec sa maîtresse en février 1920 marque un tournant dans la vie de Jean Meckert[1].

Alors que a mère est internée au Vésinet et sa soeur dans une pension à Neuilly, il est placé dans un orphelinat protestant à Courbevoie, l'asile Lambrechts, jusqu'en 1923. Meckert gardera de ce séjour la détestation de l'enseignement religieux, le souvenir de la faim et du froid mais surtout le sentiment de l'humiliation et de l'abandon[2].

« Je suis un ouvrier qui a mal tourné... je me suis mis à raconter des histoires populistes d'abord, puis, dans ce langage qui était le mien, j'ai raconté des histoires noires. »

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