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CERCLE LECTURE JEAN MACE
2 décembre 2012

"ECOUTE- MOI" Titre original "NON TI MUOVERE" Margaret MAZZANTINI

mmages

 

Pourquoi est-ce que je te raconte tout ça ? Je n'ai pas de réponse à te donner. Une de mes réponses précises, brèves, "chirurgicales", comme tu les appelles. C'est l'hémorragie de la vie qui bat à mes tempes. Comme l'hématome dans ta boîte crânienne. Maintenant je le sais Angela, c'est toi qui m'opères." 

Margaret Mazzantini

Le monologue intérieur d'un père à sa fille tandis que, gravement blessée par une voiture, elle est opérée par un collègue… Au fil des pages se dessine le portrait d'un homme en proie à des sentiments d'échec et de solitude, malgré sa réussite sociale et une double vie amoureuse…

 

Le drame extérieur 

 

Le roman happe le lecteur dès la première page : à l'hôpital où il est chirurgien, Timoteos'adresse à sa fille de quinze ans, Angela, qui vient d'être renversée par une voiture alors qu'elle allait en scooter, un de ces fameux motorino… Averti par une collègue infirmière qui trouve que la jeune accidentée lui ressemble, Timoteo s'en remet à son ami Alberto, le neurochirurgien revenu exprès soigner l'adolescente. 

Pendant toute l'opération, décrite à certains moments précis en termes techniques, le quinquagénaire raconte à sa fille, suspendue entre la vie et la mort, l'histoire de sa venue au monde : l'existence à la fois brillante et morne qu'il mena avec sa femme Elsa, journaliste ; sa rencontre ( un viol ; en fait ) avec Italia, pauvre fleur décharnée qui végétait non pas au bord de la route mais littéralement dessous, et avec qui il entama une liaison tendre et amère pendant la grossesse d'Elsa ; et enfin la naissance. 

Le mécanisme du récit est ingénieux : plongé dans l'angoisse de perdre sa fille unique qu'il aime, d'un amour lointain et timide, le père vieillissant se remémore ces circonstances qui lui donnèrent le désir d'un enfant, sa vie amoureuse et sexuelle, prise entre une routine rassurante, des accès de violence, et des états de grâce pleine de tendresse… On comprend aisément que la perspective de la mort d'Angela, enfant conçue aux deux sens du terme comme un rempart au dégoût de la vie, le plonge dans ce sentiment de néant.

 

Le Drame intérieur

Et si certaines évocations pourraient être perçues comme malsaines dans la bouche d'un père ( la vie sentimentale et sexuelle des parents est taboue pour les enfants, Timoteon'a pas à conter la sienne à sa fille ), le récit ne s'adresse à elle que fictivement. Car in fine, seul le lecteur prend connaissance de sa confession de par le dispositif utilisé… Cette confession fait apparaître un homme triste qui prend conscience de sa médiocrité de mari, d'amant comme de père, que ne compense guère à ses yeux sa réussite de chirurgien…

Ancien étudiant en médecine, si Timoteo sut surmonter sa peur du sang, le métier de vivre ( pour paraphraser le titre du journal de Cesare Pavese ) lui semble toujours aussi difficile et dérisoire. D'ailleurs, aux termes médicaux, techniques et rassurants dans leur transparence, s'opposent les métaphores et mots flous pour dire les sentiments et motivations : « c'est un miracle si je suis vivant. Arrêtez cette sorcière. Tube de drainage. Salope, comment t'es-tu permis ? (p.58) ».

Le chirurgien, pourtant habitué à ouvrir les corps, serait-il impuissant à entrer dans les têtes ? Alors avouer son incapacité à comprendre autrui, ou l'hypocrisie à prétendre le contraire, indiqueraient-elles l'impossibilité de l'empathie ? Mais dans son cynisme et sa lâcheté ( cf. son regard désabusé et critique sur Manlio, son 'meilleur ami', et parfois, sur Italia ), Timoteo n'est pas dépourvu de pitié pour lui et les autres, ce qui le rend attachant malgré certaines aspects désagréables…

Et beau est le tableau dépeignant sa relation avec sa fille, dont il se sent à la fois responsable, proche et coupé par la présence d'Elsa : « tu es liée par un sentiment solide à ta mère, parfois impétueux, mais vivant. Moi, j'ai été un costume d'homme suspendu à côté de votre relation (p.24) ». De même que ses sentiments à l'égard de son père, qu'il a longtemps rejeté avant de réaliser brusquement, l'ayant perdu, qu'il est son portrait vivant. Comme Oscar Matzerath, le Tambour de Günter Grass, Timoteo se sent pris dans l'enchaînement naturel de la vie, qui paraît d'autant plus absurde que son angoisse et son chagrin sont, eux, normaux…

Réserve personnelle 

La conduite de Timoteo avec Italia est ignoble autant qu'irresponsable : d'abord il la viole, puis il lui dit son mépris pour elle et son désir de rompre leur relation, mais que noie ensuite l'attraction charnelle avant de considérer qu'il l'aime après tout…
Mais que serait-ce s'il la détestait ?!Et qui peut vouloir d'un amour pareil ?
 
par Mélanie Martin

 

Luz CASTRO

 

 

mmages (3)

 

 

Margaret Mazzantini est née le 27 octobre 1961 à Dublin d'un père italien écrivain, Carlo Mazzantini, et d'une mère irlandaise peintre, Anne Donnelly, Margaret Mazzantini vit enfant dans différents pays européens avant que sa famille ne s'installe à Tivoli, près de Rome où elle grandit et fait ses études secondaires1. En 1982, elle est diplômé de l'Accademia nazionale d'arte drammatica de Rome. Elle décide en 1994 de s'orienter vers l'écriture et commence à publier ses premières œuvres1.

Margaret Mazzantini est une écrivaine et dramatuge italienne. Elle vit aujourd'hui à Rome

 

C'est le roman Écoute-moi (Non ti muovere) qui l'a rendue célèbre en Italie, dès sa sortie en 2001. Elle est l'épouse de Sergio Castellitto depuis 1987. C'est lui qui a réalisé l'adaptation cinématographique du roman Écoute-moi en 2004 et celle de Venir au monde en 2012.

 

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