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CERCLE LECTURE JEAN MACE
5 octobre 2013

A L'ABRI DE RIEN Olivier ADAM

a l'abri de rienC'est l'histoire d'une femme mariée, deux enfants qui vit au bord de la mer, non loin de Sagate. Elle est au chômage, dépressive, elle aime son mari qui l'aime "même si il gueule pour un rien".Un jour qu'elle est en voiture, un de ses pneus crève. C'est Jallal, sorti de nulle part qui vient lui changer la roue. Jalla est réfugié. Marie va alors prendre conscience de la présence de ces réfugiés à proximité de chez elle. Elle va donner un peu de son temps pour aider l'équipe de bénévoles qui distribuent vêtements et nourriture, et aussi les accueillir chez eux , au risque d'être poursuivis en justice.L'auteur raconte comment Marie va s'enfoncer dans ce bénévolat, jusqu'à s'y noyer, jusqu'à s'oublier elle-même et ses proches.

"cette sensation de tomber en poussière soudain de devenir liquide et de disparaître, d'être mangée de l'intérieur, tordue, mâchée, étranglée, essorée, vidée"

L'auteur cerne son sujet au plus près. Des phrases courtes qui se succèdent. Son personnage nous dit ce qu'il voit et ressent avec une distance qui inquiète et opresse le lecteur, qui n'oubliera pas ce livre poignant de vérité.

On retrouve un thème cher à Olivier ADAM:" tout n'est toujours que surfaces, orées, lisières".

Un lecture que je recommande.

 

Pour aller plus loin cette critique de TELERAMA:

Quelle est donc cette énergie à l’œuvre dans les romans d’Olivier Adam ? A quoi tient la puissance de ce regard d’écorché vif, capable de rendre immédiatement présent l’objet le plus infime, infiniment singulière la situation la plus banale ? L’auteur de Passer l’hiver et de Falaises ne fait pourtant, cette fois encore, aucune concession. Le texte de son nouveau roman, A l’abri de rien, est taillé au plus court, les phrases sont sèches et rapides, l’émotion tenue à distance. Elle surgit pourtant d’un détail minuscule, d’un mouvement imperceptible, un signe ou un geste saisis en quelques mots. D’une justesse bouleversante. Olivier Adam dissèque ainsi, comme aucun autre, la réalité contemporaine la plus quotidienne, l’ordinaire gris et monotone de la périphérie des villes, celui de « millions d’hommes et de femmes, invisibles et noyés, d’existences impercep­tibles et fondues ».

De livre en livre, il impose son style et son univers, jouant symboliquement avec les figures de ses textes successifs. Marie, au centre de ce nouveau roman, porte ainsi le même pré­nom que l’héroïne d’A l’ouest, paru en 2001, et s’éloigne elle aussi de sa famille. Elle fait partie de ces femmes qui passent leur vie à attendre leurs enfants et leur mari en s’usant aux tâches journalières. « Les gamins le bain les devoirs les repas la vaisselle », sans virgules, comme un bloc écrasant. Olivier Adam se glisse dans sa peau avec une aisance confondante, lui prête ses yeux et sa voix, construit page après page un portrait d’une exceptionnelle intensité. « Go Sport Conforama Norauto, Kiabi Maisons du monde Halle aux chaussures », les banlieues finissent par se confondre, elles laminent les différences, rabotent les identités, engloutissent les personnalités, entraînent peu à peu ceux qui les habitent vers le vide qui les fonde. Marie perd pied, décroche, divague. « Ça fait si longtemps que tout s’envole comme ça, que tout se brouille et s’absente. Tellement longtemps. »

Olivier Adam la suit au plus près, sans facilité ni caricature. Sans misérabilisme non plus. Avec une grande attention pour tous les protagonistes de ce naufrage, le mari et les enfants en particulier. « On s’aimait mais c’était planqué sous la graisse du quotidien. » Un quotidien bientôt bouleversé par la rencontre de ceux que toute la ville – évidemment inspirée de Calais et de Sangatte – appelle les « Kosovars », des réfugiés et des clandestins de toutes nationalités, en attente d’un passage pour l’Angleterre. Confrontée à une misère plus grande que la sienne, fascinée par l’errance de ces hommes qui la renvoient à sa propre étrangeté au monde, Marie abandonne tout pour leur venir en aide, donne tout ce qu’elle possède, tentant désespérément de combler une attente impossible à rassasier. Tendu par l’urgence et la rage contenue, le texte se fait alors plus politique, se place clairement du côté des vaincus d’une société contemporaine qui les fabrique à la chaîne.

Clinique, tranchant, cruel parfois, A l’abri de rien n’est jamais grinçant ni complaisant. A l’affût de la moindre lueur, c’est l’humain que traque l’auteur au fond du précipice où sombre Marie, à l’exemple de nombre de ses personnages. Car c’est la vie qui intéresse Olivier Adam, juste la vie entre chien et loup, quand l’équilibre ne tient qu’à un fil entre lucidité et désespoir, révolte et tentation de disparaître, nostalgie de l’enfance et peur du temps qui s’use. Fatigue et courage de vivre.

Le 25/08/2007 - Mise à jour le 19/11/2010 à 13h04
Michel Abescat - Telerama n° 3006

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