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CERCLE LECTURE JEAN MACE
12 janvier 2017

La Grande Arche, Laurence Cossé

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Un petit livre qui se dévore. Il nous fait connaître les "dessous" de la construction d'un monument public, l'implication des politiques, les relations avec l'architecte.

En plus de l'édification du monument c'est la découverte d'un architecte singulier, Johan Otto von Spreckelsen, que tout le monde appelé Spreck, par commodité, qui m'a faciné dans ce récit. Comment la candidature de cet architect danois, de deux églises a été  extraite de celles des plus prestigieux cabinets d'architectes ?

Comment la tenacité de certains est venue à bout des luttes F. Mitterand, J. Chirac, R. Lion le puissant Directeur de la Caisse des Dépots et Consignation, le ministre et les Services de l'Equipement.....une véritable épopée que l'auteur nous dévoile, après avoir interviewvé les acteurs de l' époque.

"Il n'empêche que l'Arche a quelquechose de sacré. L'artiste n'est pas seul au commandes et, de même que le lecteur coécrit le roman avec son auteur, le passant qui s'approche de l'Arche est sensible à la grandeur spirituelle, grandeur qu'il projette largement, peut êtr : mais c'est que l'artiste a appelé cette projetion".

Si la destination d'une construction est le plus souvent connue, celle de la Grande Arche ne l'était pas : bureaux, centre d'affaires, autres? ....et ce débat va devenir omniprésent au fur et à mesure de l'avancement des travaux et surtout de leurs financement.

"Speck qui ignorait tout de la technique, ne voulait pas en connaître les contraintes et ne s'intéressait qu'au sens, à la symbolique et à la beauté du Cube" (nom donné initialement à la Grande Arche)

Laurence Cossé

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Naissance 1950    

Laurence Cossé, née en 1950 à Boulogne-Billancourt, est une écrivaine française, auteure de romans, de nouvelles et de pièces  de théâtre

 

 

Biographie[Laurence Cossé a été journaliste, critique littéraire (Le Quotidien de Paris) et producteur-délégué sur la station de radio France Culture. Dans ce cadre, elle a notamment réalisé des entretiens avec Andreï Tarkovski, Jorge Luis Borges, ou Suzanne Lilar.

Elle a publié une douzaine de romans et un recueil de nouvelles, principalement aux éditions Gallimard. Sa pièce de théâtre La Terre des folles a été créée à Bruxelles en 2005 et transcrite sous la forme d’un oratorio pour chœur et orchestre créé en 2002 à Guebwiller.

 

Commentaires de Sibille Vincendon :

Curieusement, les architectes sont peu entrés dans la fiction. Pas souvent héros de films, absents dans la littérature. La profession ne manque pourtant pas de figures un rien allumées à bonne teneur romanesque, sans compter les rebondissements de chantiers qui évitent l’ennui au lecteur. Est-ce pour cela que, face au roman dans lequel Laurence Cossé raconte l’histoire de la Grande Arche de La Défense, on se dit : bon sang mais c’est bien sûr ? Le récit de la construction de ce monument, l’un des grands travaux voulus par François Mitterrand, dessiné en 1982 par un architecte danois inconnu, Johan Otto von Spreckelsen, abandonné par lui à mi-course, objet d’incessants affrontements politiques et financiers et maudit par son usage qui n’a jamais été vraiment défini, ce récit est bien celui d’un roman.

Un roman vrai, écrit avec talent, nourri de personnages bien réels, présentés avec leur nom, leur pedigree et leur rôle. Rien à voir avec les fictions à clés. Ici, Mitterrand porte son nom, tout comme Robert Lion, patron de la Caisse des dépôts qui défendit ardemment le projet, l’urbaniste Jean-Louis Subileau et l’architecte Paul Andreu qui le construisirent ou encore leur ennemi, le promoteur Christian Pellerin, que l’on appelait à l’époque «le roi de La Défense», ce qui n’était pas un compliment.

Avanies.

La plupart de ces gens, Laurence Cossé les a interrogés, s’offrant le luxe dont rêvent les journalistes : raconter les rencontres elles-mêmes. Faire le récit du récit. Voilà ces acteurs trente ans plus tard, bien loin des tensions de l’époque, le nez dans leurs agendas et dans leurs souvenirs, à la fois héros et commentateurs de cette histoire complexe.

Complexe, le mot est faible. Tous les grands travaux de Mitterrand ont eu à subir des avanies mais aucun n’est aussi mal né que la Grande Arche. Car une fois le dessin choisi, que mettre dans l’édifice ? A part la présence des fonctionnaires de l’Equipement dans le pilier sud et de salariés du privé au nord, rien n’est clair, ni pour le socle ni pour le toit. Ce dernier se verra destiné à une succession de projets peu pérennes, mais dispendieux, tels le Carrefour international de la communication ou une fondation internationale des droits de l’homme sous la houlette de feu Edgar Faure qui voyait grand. Bref, on cherche.

Pour un Danois rigoureux comme Spreckelsen, cette navigation à vue des décideurs français est peu supportable. Pour les bâtisseurs français Andreu et Subileau, elle ne l’est pas beaucoup plus car elle leur complique sérieusement la vie. Surtout quand le gouvernement de cohabitation mené par Jacques Chirac menace de mettre fin à l’affaire.

Ce moment particulier, mais aussi toute l’histoire au passage, Laurence Cossé les résume avec un sens aigu du raccourci : «Fin 1986, la Grande Arche sort de terre. Depuis qu’il a remporté le concours, Spreckelsen n’a passé qu’un an à Paris avant que le chantier ne s’ouvre, en juillet 1985. Et il est reparti pour Copenhague. Les choses se sont mal passées.»

 

Conviction.

Naturellement, on aimerait apprendre de sa bouche la raison de cet abandon. Pourquoi cet auteur de quatre églises, choisi pour le plus grand projet de son existence, a-t-il renoncé à le mener à bien ? «Il n’existe aujourd’hui qu’un moyen de rencontrer réellement Spreckelsen, écrit Laurence Cossé, c’est de regarder son portrait filmé fin 1986, peu avant sa mort.» Utile mais frustrant. D’ailleurs, Google ne fournit que trois images de l’architecte auteur de ce bâtiment abondamment photographié, lui.

Voici donc Laurence Cossé à la recherche des traces de «Spreck», en France et au Danemark. Elle va voir ses quatre églises. Tente de rencontrer Karen, sa veuve. «Spreckelsen a tenu toute sa vie un journal qu’il illustrait de dessins. Si je pouvais, espère-t-elle, lire les cahiers qui vont de la fin de l’année 1982 jusqu’au 16 mars 1987, et surtout de mai à juillet 1986, j’aurais de l’histoire la version la plus dure, je suppose, et de Spreck, un portrait intime». Visites, lettres… : l’enquêtrice n’obtient rien de Karen von Spreckelsen. «Ce n’est pas accidentel. Ils ont vécu un drame, lui explique Yves Dauge, ancien coordinateur des grands travaux, en parlant du couple Spreckelsen. Une espèce d’assassinat moral».

Peut-on qualifier ainsi l’énorme malentendu qui a séparé l’architecte et ses partenaires français ? Un an après avoir lâché son projet, Johan Otto von Spreckelsen est mort. Tout au long des mois où il a participé à la construction de la Grande Arche, il aura été d’une intransigeance sans concession, ne voulant céder sur rien. Non pas à la façon d’une star qui fait des caprices, mais plutôt avec la conviction qui est parfois celle des grands artistes. Mais l’architecture n’est pas la littérature. C’est un art contraint, qui se confronte en permanence au réel. Peut-on faire un lien entre ce départ de Spreckelsen, décision si rare, et son décès ? Laurence Cossé cite Andreu : «En abandonnant, il s’est fait une violence terrible.» Pour l’auteure, «il y a quelque chose de christique dans cette histoire. Et il y a quelque chose de luciférien, si tant est que Lucifer soit la figure métaphysique du refus de voir l’esprit s’incarner». C’est la romancière qui imagine Spreckelsen se disant : «Plutôt abandonner que cautionner l’altération de l’œuvre de l’esprit. Plutôt mourir.» Mais est-ce vraiment du roman ?

Sibylle Vincendon

 

 

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