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CERCLE LECTURE JEAN MACE
18 janvier 2017

CONTINUER Laurent MAUVRIGNIER

 

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Un petit livre boulversant qui raconte l'histoire d'une mère Sibylle qui veut sortir son fils adolescent , Samuel de sa dérive. Elle vend la maison familiale auquelle elle tenait tant pour une chevauchée,avec lui , à travers les montagnes kirghizes.

" Il (Samuel) pouvait arrêter de geindre et se mettre à agir, c'est tout ce qu'elle (Sibylle) voulait, tout ce qu'elle attendait de lui, tout ce qui avait motivé ce voyage, qu'il réagisse, qu'il reprenne contact avec la vie.

Au cours de ce voyage la "mère courage" va révéler ses fêlures : "Oui sans doute il (Samuel) n'a pas confiance en lui. Mais comment aurait-il pu avec une mère comme moi, qui a tout échoué, tout raté dans sa vie, se demande t-elle, comment il aurait pu avec un père qui ne s'intéresse qu'à lui, qui n'a jamais regardé son fils comme un autre, justement, mais comme un résidus de lui-même, à peine bon à le copier, à l'imiter, en ne lui laissant jamais la chance de s'éloigner des chemins qu'on avait tracés pour lui?".

L'auteur nous tient par une narration qui va crescendo avec une fin qui tient le lecteur jusqu'au dernier mot.

Un magnifique livre sur la relation mère-fils. 

 

Critique du journal Télérama 

Chevauchée de la dernière chance pour une femme et son ado paumé dans la splendeur sauvage des montagnes kirghizes. Epoustouflant.

Deux injonctions s’étalent sur la couverture de ce livre, comme deux lumières dans la nuit, deux repères pour poursuivre sa route. Continuer. Mauvignier. Un titre en forme d’infinitif. Un auteur en forme d’infinitif. A la page M d’un dictionnaire imaginaire, le verbe « mauvignier » aurait sans doute plusieurs définitions. Mauvignier, c’est forer, déceler, déferler, respirer. Et continuer. Voilà dix-sept ans que cet écrivain tient ses promesses, dix-sept ans qu’il avance et nous emmène à sa suite sans jamais décevoir. Son dernier livre, Autour du monde, traçait des lignes et tissait des liens, d’un bout à l’autre du globe, un jour de tsunami. A chaque fois qu’un chapitre se fermait pour passer d’une existence brisée à une vie en reconstruction, le lecteur poursuivait le séjour en secret, s’attardait en pensée dans des lieux trop vite quittés, et se prenait à rêver de prolonger les rencontres.

Avec ce nouveau roman, Laurent Mauvignier exauce ce souhait. Il nous propulse dans les montagnes kirghizes, et s’arrête, s’installe. L’immobilité pour mieux dire le mouvement des choses, la vitesse pour en saisir la paralysie. Tel a toujours été le secret de son écriture, qui dessine ici le parcours accidenté du voyage initiatique d’une Bordelaise avec son fils adolescent, au fin fond de l’Asie centrale. Sibylle a vendu sa maison en France pour payer cette cavale de secours à Samuel, garçon en perdition, déscolarisé, déphasé, désaxé, dont la peur de l’avenir s’est transmuée en peur du présent. Le livre révèle les origines de ce geste d’amour sacrificiel, en suit l’effet boomerang après la déflagration, en mesure la portée mystérieuse, aléatoire, aussi destructrice que salvatrice. Rarement Laurent Mauvignier avait osé une telle évidence des sentiments, une telle puissance du don à l’autre. Comme Xavier Dolan dans son film Mummy, il n’a pas peur de s’en remettre à la simplicité de l’émotion, inébranlable point de stabilité au milieu du chaos.

Hymne incomparable à l’amour d’une mère pour son fils, Continuer est aussi un grand livre d’aventures, sauvage et abrupt, d’une splendeur visuelle qui appelle à l’adaptation cinématographique, à moins que Bartabas ne tombe dessus, et ne s’en inspire pour un prochain spectacle. Au plus près de la nature (roche, limon, lac, glacier, forêt) Mauvignier signe un somptueux western où les chevaux sont rois. Doubles des héros, à la fois témoins, soutiens et médiums, ils soufflent et crapahutent, sondent et protègent, se cabrent et se soumettent, mus par des élans de fusion et d’indépendance. Ils habitent les plus belles pages du livre, avec un passage d’anthologie où l’action est décrite par son reflet dans l’oeil d’un cheval. Effet miroir vertigineux, où Mauvignier parvient à dire l’unité de l’homme, de l’animal et du cosmos, malgré la plu­ralité des phénomènes et des cataclys­mes, dont toute son oeuvre littéraire recolle les morceaux.

Samuel doit son prénom à la passion de sa mère pour Beckett. Il connaît cette désintégration totale que provoque l’angoisse de solitude. Sa peur « de se diluer en l’autre, de devenir l’autre » le pousse au rejet de toute différence, au fantasme d’une France blanche, lisse et repliée sur elle-même. Son voyage va lui enseigner qu’il fait partie d’un tout, solide et fourmillant. Ainsi pourra disparaître sa crainte de l’avenir, que Laurent Mauvignier déjoue avec une utilisation passionnante du futur dans ses phrases. Il réserve ce temps au récit des disparitions, des morts, comme pour les retarder, les mettre en suspens, et préserver l’instant d’avant la chute.

Continuer ? On continuera. Attenti­vement, avidement, on suivra cet écrivain en mouvement.

Landrot Marine

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Laurent Mauvignier est né à Tours en 1967. Il obtient le diplôme d’arts plastiques des Beaux-Arts en 1991, et publie son premier roman, Loin d’eux, en 1999, aux Éditions de Minuit. Depuis, il a publié plusieurs romans, des textes pour le théâtre, et écrit pour la télévision et le cinéma

 

Son univers est celui d’êtres en prise avec le réel, qui tentent de vivre leurs rêves malgré l’impossibilité que leur oppose la vie, et qui tentent de surmonter leurs traumatismes (qu’ils soient personnels – un suicide, une disparition – ou collectifs – le drame du Heysel, la guerre d’Algérie).

 

Il travaille à l’élaboration d’une œuvre dont le roman est le pivot, mais qui cherche aussi vers le cinéma et le théâtre.

 

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