UNE EDUCATION ANGLAISE Christian LEHMANN

Un délicieux petit livre, chargé de nostalgie pour ceux qui sont  les contemporains de ce jeune garçon de 13 ans, fou de livres au point de les voler, et préoccupé, jusqu'à l'obsession, par l'anatomie des femmes.

Christian LEHMANN nous raconte trois années de sa vie, pendant lesquelles il va dans le même temps découvrir la littérature et la réalité de la vie d'un couple, en allant vivre, pendant les vacances, chez sa tante Susan et son oncle Mark en Angleterre.

Un livre qui m'a émue et fait sourire, bien écrit. Il ne faut pas se laisser impressionner par la banalité du début du roman, et persister pour découvrir le meilleur.

Un livre qui me laisse une belle trace dans mon imaginaire.

Pour aller plus loin je vous propose, ci dessous, une critique parue dans le Canard Enchainé:

Tu seras un homme, mon singe…

Depuis son premier roman, «　La folie Kennaway　» ( une réussite – 1988), Christian Lehmann tournait autour de lui-même. Pour un vrai timide, il est difficile de dire ce qui vous a fait. Mais un jeune mousquetaire descendant des Rohan par l’île Maurice sait que son existence est aussi intéressante que l’affaire des ferrets de la Reine !

Granny maternelle, matriarche absolue, revenue de Maurice avec la tribu et les quartiers de noblesse des anciens ducs de Bretagne (« Roy ne puis, Duc ne daigne, Rohan suis »), n’aime pas les singes, ni leur évocation, ni leur apparition sur l’unique chaîne de télévision dans l’émission de Claude Darget. Un cousin australien apportera l’explication. Grand-mère paternelle est corse,　 son mari était un taiseux alsacien, comme le père de Lehmann, qui ne se mettra vraiment en colère qu’en découvrant le cubage des livres dérobés à la librairie de Meudon par son rejeton, lectophage acharné, dont les besoins s’accroissent chaque jour. Vacances en Corse, avec la cousine Anne-Marie, la première femme que le jeune homme de 13 ans ait vue nue, « plus que nue,. « J’avais vécu mon enfance protégé des choses du sexe par le zèle vigilant et conjugué de ma mère et de Mme De Gaulle. » Toujours plongé dans un livre, jusque sur la plage, il entrevoit la vanité bouffonne, et parfois meurtrière, le racisme des jeunes insulaires, ce qui l’incite peut-être à partir souvent sur une autre île, l’Angleterre, chez la cousine Susan et son mari Mark. Premier ferry, premiers émois:　» Elles étaient partout. Partout.　» Susan l’incite machiavéliquement à lire le best-seller de l’époque, «Portnoy’s Complaint» de Philip Roth, dont le jeune Lehmann retient principalement qu’«abordée franchement, sans faux semblant, une femme sur dix accepterait de sauter au lit avec un homme pour faire l’amour». Naturellement il tombe toujours sur les neuf autres, mais lit désormais en anglais, et comprend que, dans le couple, Mark va pas bien du tout, et que même Susan se trouve en danger. Mais pas question d’en parler à la famille. Les petites Anglaises ont beau pulluler, Mark et sa présence rongeante et maléfique lui font penser à l’acteur de Niro : « une solidité masculine pétrifiée, quasi granitique et, en même temps, une dangerosité fluide, insaisissable, déconcertante».

Qui finira par déconcerter jusqu’au tonton Luther, le vilain petit canard des descendants des Rohan, qui a rompu les ponts familiaux depuis leur arrivée en Angleterre. Il enseigne à Oxford et fréquente des fondus de science-fiction : c’est lui qui offrira au jeune homme « le seigneur des anneaux » de Tolkien, à ne lire qu’en anglais bien sûr, avec un mode d’emploi pour atteindre très vite au deuxième, voire au troisième degré de la compréhension. Ce qui s’avèrera fort utile lors de la convention mondiale de la SF à Brighton, en 1973, dont Lehmann donne une relation digne du regretté Van Vogt. Un grand livre modeste, où les confessions d’un enfant du ferry, comme l’on voudra…　Dominique Durand, le Canard enchaîné

Pour conclure, la biographie de Christian Lehmann:

Christian Lehmann　est un médecin généraliste français qui exerce depuis près de 30 ans. Adolescent avide de lecture, il se nourrit de littérature anglo-saxonne　et de　science-fiction　(Une éducation anglaise). Ayant commencé sa carrière littéraire en 1988 avec des romans contemporains assez noirs, il est reconnu en tant qu'écrivain pour la jeunesse (six ouvrages pour adolescents écrits à ce jour). Il raconte aussi dans deux ouvrages son expérience de généraliste et le système de santé français tel qu'il l'observe et le décode sans concessions. Médecin engagé, il lance en 2004 le　Manifeste contre la réforme de la Sécurité Sociale　et en 2007 avec un autre médecin écrivain　Martin Winckler　l'Appel contre la franchise sur les soins.